Active design, nudge : quand l’architecture améliore la qualité de vie

Nos ressources / Raphaelle

Amélioration du bien-être, promotion des éco-gestes, incitation à l’activité physique : l’endroit où l’on vit peut engendrer des comportements vertueux. C’est en tout cas le pari de nouvelles approches comportementales appliquées à la construction.

 

 

« Construire » les manières de vivre

Dis-moi où tu habites, je te dirai qui tu es. Cela pourrait être le slogan des tenants d’une architecture capable de modeler les comportements humains. L’idée, qui peut paraître surprenante, n’a en réalité rien de nouveau.

 

C’est ce que démontre un article du chercheur Jan Golembiewski. Selon lui, l’architecte de la renaissance italienne Leon Battista Alberti soutenait déjà dans les années 1 400 que le design des constructions avait le pouvoir de pacifier les ennemis. Plus récemment, Le Corbusier aurait affirmé que sa villa Savoye avait le pouvoir de soigner les malades. La suite lui donnera tort…

 

Les théories d’une architecture au service de l’amélioration de l’hygiène de vie et des relations sociales se sont propagées après-guerre. Elles ont alors été revendiquées lors de la construction des grands ensembles.

 

Rapidement ces habitats ce sont néanmoins dégradés.  S’y est souvent ajouté une montée de la criminalité. Autant de facteurs qui ont mis en échec les différentes théories comportementales appliquées à l’habitat.

 

Mises de côté depuis, celles-ci ré-émergent depuis une dizaine d’années avec de nouvelles approches et de nouveaux arguments scientifiques. Le mouvement, qui s’est d’abord développé dans l’architecture de la santé (hôpitaux, institutions psychiatriques…) gagne désormais de nouveaux champs d’application avec les théories de l’active design et de du nudge.

Active design : une réponse aux maux de notre temps

L’impact de l’architecture sur la santé est connu de longue date. Ainsi, les architectes ont cherché depuis le XIXème siècle à améliorer la salubrité des habitats en y faisant entrer la lumière, en ventilant les espaces et en aménageant des lieux d’hygiène.

 

Mais nos sociétés contemporaines souffrent de nouveaux maux amenés par des modes de vie trop sédentaires. L’augmentation de l’obésité, des maladies cardiaques ou du diabète sont ainsi devenus des enjeux de santé publique d’ampleur.

 

C’est à ces problèmes qu’est venu répondre le concept architectural d’active design, ou conception active, né en Angleterre en 2007. Son idée : inciter par l’architecture à avoir un mode de vie plus sain.

 

Appliqués à l’urbanisme, les principes de l’active design amènent à repenser les solutions de transport, les espaces de balades ou de loisir ou à créer des potagers urbains pour inciter les habitants de la ville à bouger davantage et à se nourrir mieux. Michael Bloomberg, qui fût le très actif maire de New York, sera notamment un des grands promoteurs de l’active design au service de sa ville.

 

Concevoir un bâtiment avec l’active design

 

L’active design n’est pas seulement un moyen urbanistique, pour remodeler un quartier ou une ville. A l’échelle d’un seul bâtiment, qu’il soit de bureaux, d’habitation,  ou conçu pour d’autres usages (musée, école, hôpitaux…), le concept peut aussi être utilisé pour améliorer la qualité de vie des habitants et des usagers.

 

Quelles sont les actions à envisager lorsqu’on souhaite construire selon les principes de l’active design ? Voici quelques exemples tirés des préceptes promus par le Center for active design :

 

  • Construire des escaliers qu’on a envie d’utiliser et véritables alternatives à l’ascenseur. Ils doivent être visibles, pratiques, biens signalés, et attirants (lumière, couleur, design…).
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  • Penser la disposition des espaces pour inciter à la marche. Installer les espaces de services à des distances de marche agréable : cantine, toilettes ou espaces photocopieuse dans les immeubles de bureau ; boîte au lettre, espaces de loisir… dans les immeubles d’habitation. Installer les espaces d’accueil et de services du bâtiment au second étage avec un accès par un large escalier.
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  • Inciter à l’activité physique. Proposer des locaux dédiés au sport dans les bâtiments, prévoir des locaux à vélo, des casiers et des douches…
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Des certifications « santé » pour le bâtiment
Deux labels récents permettent de certifier des bâtiments dont la conception contribue à la santé des usagers ou des habitants. La norme Well, assez exigeante, a été conçue d’abord pour les bâtiments de bureaux. La norme Fitwel, réputée plus facile à mettre en œuvre sur des bâtiments existants, peut être utilisée pour tout type d’édifices.

 

Le nudge : une incitation au « bien agir »

Popularisée par les travaux de l’économiste Richard Thaler à la fin des années 2000, la théorie du nudge rejoint les principes de l’active design. Appliquée à l’architecture, elle va néanmoins au-delà des problématiques de santé et cherche également à encourager les comportements vertueux en matière de vivre-ensemble et d’éco-responsabilité.

 

Le nudge, souvent traduit « coup de pouce » en français, cherche à corriger les biais cognitifs en amenant les personnes à changer leurs habitudes en douceur par des incitations simples. L’exemple souvent cité est celui des urinoirs pour hommes de l’aéroport Schipol d’Amsterdam, où des autocollants de mouches encourageant les usagers à bien viser ont permis de réduire de 80 % les dépenses de nettoyage…

 

Un immeuble nudge à Paris

 

Quels sont les « nudges » qui peuvent être créés lorsqu’on construit ou emménage un bâtiment ? L’immeuble New G, des promoteurs Ogic et Cogedim, en donne des illustrations. Celui-ci doit être livré en 2021 dans le 13ème arrondissement de Paris.  Revendiqué comme le 1er immeuble nudge au monde, ce projet mixant 8 400 m² de logements et 550 m² de commerces de proximité souhaite encourager le bien-être, la convivialité et les comportements éco-responsables.

 

L’immeuble New G ne compterait pas moins de 35 nudges. L’agence BVA, qui a participé à leur conception, en donne quelques exemples sur son site :

 

  • –  pommeaux de douche dynamiques, changeant de couleur quand le temps passé sous la douche est trop long ;
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  • –  stickers apposés à des endroits stratégiques pour rappeler les bons comportements ;
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  • espaces partagés (terrasses, rangements de palier, atelier de bricolage) pour connecter les habitants entre eux ;
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  • réseau social d’immeuble et de quartiers.

 

 

Nudge ou active design, l’avenir dira si ces nouveaux concepts se révèlent de simples effets de mode ou des mouvements amenés à se pérenniser. Ils devront prouver également qu’ils ne renouvellent pas les mêmes erreurs que les démarches « utopistes » qui les ont précédés. Mais ils restent aujourd’hui une piste d’inspiration et de réflexion intéressante pour les acteurs de la construction et du bâtiment.

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