L’obsolescence programmée dans le bâtiment ?

Nos ressources / Nicolas

Si contrairement à l’électroménager elle est souvent involontaire, l’obsolescence « accélérée » existe également dans le secteur du bâtiment. Réglementations mouvantes, manque d’anticipation à long terme, économies de court terme, les raisons sont multiples mais des solutions existent.

 

Destruction d’immeubles

Construire vite et peu cher ou durable ?

Imaginez si au Moyen-Age, des bâtisseurs proposaient des châteaux ou des cathédrales garantis pendant à peine 10 ans. Loin d’en rire, les seigneurs de l’époque auraient sans doute fait sauter quelques têtes !

 

Urbanisation rapide, expansion des villes, bouleversement des usages et des besoins, le bâti a bien changé depuis. Reste que nos bâtiments modernes durent nettement moins longtemps qu’avant. Avec l’industrialisation, les modes de construction dans le BTP ont totalement muté. Il s’agit de construire vite, pour beaucoup de monde et au meilleur coût tout en respectant la législation du moment.

 

Une équation délicate qui a abouti à une longue période de « moins disant » en terme de qualité jusqu’à ce que les nouvelles réglementations imposent des contraintes fortes. C’est ainsi que l’on se retrouve aujourd’hui avec des ensembles HLM standardisés des années 70 délabrés très rapidement. Des passoires énergétiques qu’il faut désormais mieux rasées que réhabiliter tant les choses ont été mal conçues au départ.

 

Car la solution contre cette obsolescence accrue des bâtiments passe avant tout par une bonne anticipation des besoins et usages. Et cela jusqu’à la destruction même des constructions.

Immeubles modulables et maisons zéro déchets

Un exemple abouti de lutte contre l’obsolescence dans le bâtiment est le projet parisien du 134 boulevard Davout dans le XXe arrondissement.

 

les architectes Elizabeth Naud et Luc Poux ont conçu un complexe de 68 logements sociaux, une crèche et des locaux associatifs. Il vient accueillir en partie les habitant des barres HLM voisines vouées à la destruction.

 

Le projet évolutif du 134 Bd Davout – Photo : Simon Schnepp & Morgane Renou

 

La grande particularité du projet est sa dimension modulable et adaptable. Anticipant une densification aux limites de la ville, le projet sera capable de supporter l’addition de 5 à 6 étages. La conception du projet autour de 10 « piles » de logements permet à la fois cette adaptabilité structurelle et une disposition ingénieuse des orientations et vis-à-vis.

 

Au sous-sol, le premier niveau et sa hauteur de 4m pourra accueillir commerces et salles de sports à l’avenir. Enfin dans les appartements, des voiles de bétons périphériques permettront de reconfigurer les lieux si besoin.

 

Plus radicale, « la maison qui déménage » propose de vous suivre partout sans laisser de trace.

 

 

Le concept est proposé en 2014 par la PME Univers et Conseils et l’association Habitat et Humanisme. Il s’agit d’une maisonnette totalement fabriquée en bois et entièrement démontable facilement. Son installation est rapide et elle ne laissera aucun déchet après démontage. L’habitation est cependant plus confortable qu’un mobile home classique.

 

Logement social temporaire aujourd’hui, « la maison qui déménage » se veut l’habitation des jeunes actifs mobiles de demain.

 

Il existe aujourd’hui plusieurs autres exemples de projets architecturaux qui visent à lutter contre l’obsolescence.

 

On peut mentionner le concept « Conjugo » du groupe Vinci qui propose un bâtiment capable de devenir logement ou bureau en fonction des besoins. Solution assez aboutie, le concept n’a cependant pas pu être encore réalisé, notamment pour des problèmes administratifs.

 

 

Bon à savoir : au niveau européen, il existe le BAMB qui regroupe plusieurs pays autour du soutien à une économie circulaire dans le bâtiment pour valoriser les déchets des constructions

Obsolescence et réglementations

En plus des logiques économiques de court terme qui entraînent l’utilisation de matériaux peu performants et un manque d’anticipation, la réglementation est aussi une source d’obsolescence.

 

Comparatif norme énergétique – @heol.bzh

 

En France, il y a encore aujourd’hui une juxtaposition inefficace de réglementations et de dérogations légales. Ainsi des immeubles conçus en 2018 et livrables en 2020 seront déjà obsolètes selon les normes déjà adoptées pour la même année !

 

Cette situation est liée à la norme RT-2012 qui a été reconduite pour 3 ans en 2015 au départ pour laisser plus de temps aux entreprises pour se préparer aux exigences européennes de 2020. La Réglementation Bâtiment Responsable 2020 (RBR2020 ou RT 2020) impose en effet une consommation énergétique quasi nulle voir un bilan positif. De son côté, la norme RT-2012 vise une consommation inférieure à 50kwh/m².

 

Malheureusement, la stratégie des petits pas du législateur avec la délivrance de dérogations à la norme RT-2012 a plutôt freiner la transition. On abouti alors à cette paradoxale obsolescence non pas programmée mais réglementée de bâtiments pas encore livrés…

 

Il faut néanmoins reconnaître que les nouvelles réglementations vont toutes dans le sens d’un bâti plus durable et plus respectueux de l’environnement. A terme le secteur devrait donc tendre vers une obsolescence moindre et mieux maîtrisée des constructions.

 

Bon à savoir : retrouvez les informations sur la norme RT2012 ici et sur le RBR2020 ici

Publications recommandées